Restructuration : la communication comme moyen de prévention des conflits sociaux
Automne 2020-hiver 2021, l’annonce de la fermeture de l’usine Bridgestone de Béthune (863 salariés) fait la une des médias et devient rapidement un enjeu des élections régionales mais aussi un sujet national débattu au Parlement, et dans les principales émissions de radio et de télévision. La confrontation dans l’entreprise est vive et animée, les manifestations externes nombreuses et tendues. Cela ne sauvera pas le site mais conduira le groupe à accepter des mesures sociales d’accompagnement XXL et à définir avec les pouvoirs publics un plan de reconversion du site ambitieux.
Automne 2022-hiver 2023, le secteur de la distribution, notamment de l’habillement milieu de gamme, qui est victime d’une hécatombe. Camaïeu, Go Sport, Kookaï, André, San Marina… les annonces de déclaration de cessation de paiement et de mise sous protection judiciaire se multiplient, suivies dans certains cas (Camaïeu et San Marina) d’une liquidation pure et simple. Des milliers d’emplois sont supprimés ou menacés dans la France tout entière, sans que cela entraîne de réaction significative, localement et a fortiori nationalement. Ces restructurations apparaissent comme une fatalité. L’opinion publique, et dans son sillage les politiques, ne semblent pas s’en inquiéter. Les conséquences de la guerre en Ukraine, avec au premier rang l’inflation, mais également la question des retraites, qui polarise tous les débats, occultent largement ce mouvement apparemment inexorable.
Il est vrai que les restructurations du secteur tertiaire, et notamment de la distribution, ont depuis toujours suscité moins de réactions et de conflits que celles du secteur industriel pour de multiples raisons : dispersion des emplois dans de multiples magasins à effectifs réduits, moindre syndicalisation, moindre poids dans l’économie locale, plus grande faiblesse des moyens de pression, plus forte fongibilité des activités, un commerce pouvant en remplacer un autre surtout dans les grandes métropoles. Ainsi, des enseignes prestigieuses, comme C&A, Mark & Spencer ou Virgin, ont pu dans le passé fermer tout ou partie de leurs magasins sans grande difficulté et à des coûts qui n’ont rien à voir avec ceux que l’on constatait dans l’industrie au même moment.
Cependant, on peut se demander si cette absence de réactions ne s’inscrit pas dans un mouvement plus large. Depuis plusieurs années, se poursuit notamment, à relativement bas bruit, une restructuration de la filière des sous-traitants de l’automobile, et beaucoup des fermetures d’usines qu’elle provoque, mais pas toutes, passent sous les radars médiatiques. Il en a été ainsi, au cours des derniers mois, par exemple pour les établissements de Sifa et Tenneco à Orléans, de SAG à L’Horme dans la Loire ou de Faurecia à Mulhouse. La taille des entreprises, l’accoutumance, la loi Sapin de 2013 qui, en imposant des délais préfixes et en redonnant un rôle central à l’administration du travail, a recentré la discussion sur les mesures d’accompagnement, et peuvent expliquer cette évolution. Mais aussi le fait que ces restructurations sont la conséquence d’une transformation sociétale inexorable : la transition écologique et l’électrification de la mobilité comme la disparition des commerces résultent du développement des achats numériques. Les Français peuvent difficilement s’élever contre les effets de l’évolution de leurs habitudes de consommation.
Cela ne veut pas dire pour autant que les entreprises confrontées à une telle situation doivent ou puissent faire l’impasse d’une communication spécifique et pro-active. Bien au contraire, il est plus que jamais nécessaire d’expliquer pourquoi et en quoi la restructuration est inéluctable, comment elle s’inscrit dans des tendances sociétales plus larges et en même temps de développer la pédagogie des mesures d’accompagnement pour passer aussi vite que possible du pourquoi au comment. Pour faire de la communication, un moyen de prévention des conflits sociaux.