Notre regard sur l’affaire François de Rugy : l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire en communication de crise…
Factuellement, ce n’est donc pas « homard qui a tuer » François de Rugy mais l’accusation par Mediapart d’une utilisation « inappropriée » de son indemnité parlementaire pour frais de mandat. Le Ministre a annoncé sa démission, après un entretien avec le Premier ministre, avant même que sorte l’article de Mediapart soutenant qu’il a payé avec celle-ci ses cotisations à son parti politique en 2013 et 2014 et a ensuite déduit de ses revenus imposables les dites cotisations. Il est vrai que l’on passait ainsi d’un sujet d’éthique ou de déontologie, le train de vie de nos élus, à une potentielle incrimination pénale.
Mais avant même de porter le coup de grâce, Mediapart avait très fortement affaibli le Ministre par sa stratégie délibérée, et redoutablement efficace, des révélations au compte-gouttes, pour ne pas dire goutte à goutte. Du 9 au 15 juillet, il ne se sera pas passé une journée sans qu’un fait nouveau ne vienne alimenter le feuilleton et nourrir la polémique : dîners privés fastueux, achats personnels aux frais du contribuable à l’Assemblée Nationale, travaux d’intérieur à des prix apparemment excessifs au ministère, location d’un logement social en principe soumis à des conditions de revenus, non-imposition en 2015, une accusation moins relayée au départ que les précédentes mais qui s’avérera fatale… Le calvaire médiatique que redoutent tous les communicants confrontés à une situation de crise.
Cependant, il faut souligner que François de Rugy a largement contribué à sa descente aux enfers par sa propre communication. Celle-ci s’est révélée à la fois contre-productive dans la forme et inappropriée sur le fond, au point de le rendre inaudible.
Une communication cacophonique …
Dès la publication du premier article de Mediapart, François de Rugy est sur tous les fronts médiatiques pour se défendre… trop de fronts. Il multiplie les prises de parole : Matinale de France Inter le 10 juillet et déclaration solennelle après le Conseil des ministres, le Direct de Jean-Jacques Bourdin sur RMC le 12, une interview dans le JDD le 14 et une dernière dans Ouest France le 15.
Autant le séquençage que la forme de ces interventions sont discutables. Les messages se suivent, mais ne se ressemblent pas, alors qu’une telle crise nécessiterait de définir dès le départ une ligne claire et cohérente. Et de s’y tenir. Au fil des interviews, François de Rugy passe de l’argument d’autorité teinté de menaces au registre de l’émotion puis à la classique dénonciation du lynchage médiatique. À ceci s’ajoutent les prises de parole de sa femme, Séverine de Rugy, qui a accepté de répondre oralement à Mediapart au téléphone, ce qu’il ne faut jamais faire dans une telle situation, et dont les réponses maladroites et embarrassées n’étaient pas en ligne avec celles transmises par écrit par le cabinet du Ministre. Avant d’accorder une interview au Point et une visite de l’appartement privé du ministère.
Le feuilleton était déjà nourri et croustillant, le couple Rugy l’alimente. En période de crise, il faut savoir être avare de sa parole, l’utiliser avec parcimonie et à bon escient pour ne pas contribuer soi-même au feuilleton que l’on entend dénoncer.
…et inadaptée sur le fond
« Intolérant » au homard ? » « Victime d’une tricherie » de la part d’une agence immobilière ? « Rester au contact de la société civile par des diners informels» à l’hôtel de Lassay ? Autant de messages faibles en termes de crédibilité et qui ne font qu’alimenter l’apparente déconnection entre François de Rugy et une France post-gilets jaunes.
Les positionnements successifs choisis par François de Rugy n’ont jamais été les bons.
En effet, se poser en victime – d’une agence immobilière, des apparences, de médias pratiquant la « dénonciation calomnieuse » voire « coupeur de têtes » , etc. – est une position difficilement tenable lorsque que l’on s’est fait le chantre tant d’une nouvelle forme de gouvernance plus proche des citoyens, plus modeste et sobre, que de la transparence. Et que l’on n’a pas manqué de le rappeler à de multiples reprises.
Pouvait-on pour autant sauver le soldat Rugy ?
La seule chose qui aurait pu, peut-être, permettre de déminer le sujet aurait été la publication écrite dès la sortie du premier article de Mediapart de la liste complète des participants aux désormais fameux dîners, à supposer qu’elle n’ait pas fait apparaître un nombre excessif d’amis et de parents du couple, et d’une analyse détaillée des économies de fonctionnement que François de Rugy affirme avoir réalisé tant au ministère qu’à l’Assemblée.
Mais c’est, il faut le reconnaître, loin d’être évident et il est clair que tous ceux qui ont une responsabilité politique doivent comprendre que, pour eux, dans le monde hyper connecté qui est le nôtre, l’exemplarité reste la meilleure des communications.