Les quatre erreurs majeures d’Emmanuel Macron
Selon plusieurs journalistes, un haut responsable de ce que l’on n’ose plus appeler la majorité présidentielle, tant son initiative l’a divisée, affirmait qu’en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, le Président de la République avait mis un terme à son propre mandat. Qui se souvient encore qu’il y a à peine plus de deux ans, Emmanuel Macron a réalisé ce qu’aucun de ses prédécesseurs sous la Vème République n’avait pu faire, être réélu par le suffrage universel pour un second mandat hors période de cohabitation ? Comment en est-on arrivé là ? Retour sur un début de quinquennat marqué par quatre erreurs majeures.
La première, c’est, après avoir fondé toute sa campagne de 2022 sur l’effet repoussoir de Marine Le Pen, de ne pas avoir tenu compte de la composition de l’électorat qui lui a permis d’être réélu. Celui-ci était constitué, bien que moins qu’en 2017, pour une large part d’électeurs de centre gauche et de gauche. Dès lors, en s’obstinant à aller chasser sur les terres et les thèmes du Rassemblement national, Emmanuel Macron et sa majorité ont progressivement perdu une partie significative de leurs soutiens, notamment mais pas seulement chez les jeunes.
La seconde erreur du Président, c’est d’avoir cru que sa réélection lui assurerait quasi-automatiquement une majorité parlementaire. Au lieu de désigner un nouveau Premier ministre dans les jours suivants son succès et lancer à grand renfort de communication un ambitieux programme gouvernemental, il a pris plusieurs semaines pour le faire, hésitant ostensiblement entre deux candidates, cassant ainsi la dynamique déjà faible née de sa réélection. Le résultat : une majorité très relative qui a contraint à un usage répété de l’article 49-3, indispensable pour les lois de finances mais fortement contesté pour la réforme des retraites. Mais aussi, dès les premiers mois, le sentiment que le début du quinquennat étant raté, il fallait le relancer, lui donner un nouveau souffle. On ne compte pas les initiatives annoncées à cette fin sans résultat probant.
La plus dangereuse de ces tentatives de relance, et c’est la troisième erreur du Président, fut de changer de Premier ministre en janvier dernier, à six mois des élections européennes, se privant ainsi de la possibilité de recourir à la mesure classique après un échec électoral : la désignation d’un nouveau responsable du gouvernement. Comme François Mitterrand l’avait fait en 1984 après les européennes déjà ou François Hollande après les municipales de 2014. Une décision d’autant plus contreproductive qu’Emmanuel Macron n’a rien fait ensuite pour permettre à Gabriel Attal de s’affirmer et d’impulser une nouvelle dynamique.
Le résultat de ces trois premières erreurs, c’est bien sûr la quatrième : la dissolution surprise. Se fondant sur l’éclatement de fait de la NUPES et les profondes divergences affichées par les parties de gauche tout au long de la campagne, le Président a espéré que ceux-ci iraient désunis aux élections législatives et que cela permettrait une recomposition de la majorité à la faveur du second tour. C’était gravement méconnaître que la raison d’être des partis politiques est de gagner les élections et gouverner. Il a suffi d’une belle idée créative, « le Nouveau Front Populaire », et de quatre nuits de discussions pour enterrer les divisions et donc condamner à l’échec l’initiative du Président.
Au terme de cet enchaînement inexorable, Emmanuel Macron risque d’avoir à affronter soit une cohabitation avec le RN, soit un blocage institutionnel sans précédent sous la Vème République qui pourrait vérifier l’affirmation par laquelle nous avons introduit cette réflexion. Inquiétante perspective, à moins d’un mois de Jeux Olympiques qui devaient marquer la force et l’attractivité retrouvées de la France.
Eric Giuily
Président de CLAI