La communication forcément perdante du PSG
La fin du mercato d’été hier marque définitivement la défaite du PSG dans son bras de fer fortement médiatisé avec Kylian Mbappé. On ne s’attaque pas impunément à une icône. Pour l’avoir oublié, le PSG a dû capituler en rase campagne et se plier aux volontés de son joueur-vedette Celui-ci ne renouvèlera pas son contrat par anticipation, jouera toute la saison dans l’équipe première du club et il partira libre en juillet 2024, sans indemnité de transfert. Un véritable sinistre industriel pour le club eu égard à son prix d’achat en 2017-2018 et surtout à sa valeur potentielle en 2023. Il est vrai que 12 ans après son rachat par Quatar Sports Investment, l’image du PSG et surtout de ses dirigeants est au plus bas. Ils ne pouvaient donc que perdre la bataille médiatique engagée dès juin et qui a tenu lieu de feuilleton estival. Pour trois raisons.
Vos promesses vous engagent, ne pas les tenir vous condamne
D’un côté, Kylian Mbappé aura largement tenu ses promesses de performance sportive depuis son arrivée au club en 2017, avec 212 buts et 83 passes décisives en 260 matchs, lui valant d’être consacré quatre fois meilleur joueur du championnat aux trophées UNFP en seulement six saisons et meilleur buteur de l’histoire du PSG. Sans parler de ses performances en équipe de France. De l’autre côté, cela fait 12 ans que Qatar Sports Investment échoue dans l’objectif martelé publiquement saison après saison, gagner la Ligue des Champions, cette compétition qui marque la différence entre « les grands d’Europe » et les autres. 30 trophées dont 9 titres de champion de France et le passage ne suffisent pas à protéger l’image des dirigeants du club auxquels on reproche leur inconstance, la valse des entraineurs, des recrutements de joueurs qui tiennent plus de la communication et du marketing des produits dérivés que de la stratégie de progression de l’équipe.
Savoir s’adapter à sa cible, ne pas le faire c’est échouer
Le PSG a voulu répéter avec Kylian Mbappé en 2023 la tactique qu’il avait adoptée vis-à-vis d’Adrien Rabiot en 2019. Adrien Rabiot, milieu de terrain formé au PSG et lui aussi international français, qui a toujours eu des relations compliquées avec son club, refuse de prolonger son contrat pour pouvoir partir libre en fin de saison. Son club formateur, qui serait privé d’un transfert potentiellement lucratif, décide de le mettre au ban de l’équipe première et de lancer à son encontre une offensive médiatique sans retenue, anglée sur le « manque de loyauté ». Avec succès. A Rabiot passa six mois sur le banc de touche et ses débuts dans son nouveau club furent particulièrement laborieux.
Mais Adrien Rabiot, lui, n’était ni si proche de la perfection en termes de performances sportives, ni intouchable en termes de réputation. Son refus en mai 2018 du rôle de suppléant en Équipe de France à l’aube de la Coupe du Monde en Russie avait conforté dans les médias et sur les réseaux sociaux son image de joueur arrogant et prétentieux. Tout le contraire de ce qui caractérise aujourd’hui celle que s’est construit Kylian Mbappé.
La communication est l’art de faire dire du bien de soi par les autres
Car, Kylian Mbappé, depuis 2017 et sa révélation auprès du grand public, entretient une image quasi-parfaite. Celle d’un jeune homme simple et proche des gens et d’un enfant d’une ville de banlieue populaire qui saurait d’où il vient (au point de faire oublier qu’il était fils d’enseignants et scolarisé dans un collège privé) et qui serait maintenant un exemple pour la jeunesse : ses interviews en direct sur TF1 en 2022 et sur France Télévision en 2023 sont à ce titre des modèles du genre ! Et ses prises de positions, désormais politiques, ou plutôt sociétales, y contribuent : pour la mort du jeune Nahel, l’assassinat de Samuel Paty, des insultes racistes subies par d’autres joueurs, etc. les tweets de Kylian Mbappé sont habilement rédigés, peuvent dépasser les 100 millions de vues et reçoivent globalement un accueil très positif.
Encore mieux : ce sont désormais les autres qui valorisent ou défendent Kylian Mbappé. C’est la Fondation Abbé Pierre qui se charge elle-même de saluer l’engagement caritatif et discret du joueur depuis 2020. Ce sont deux Présidents de la République, l’actuel et l’ancien, Nicolas Sarkozy, qui se targuent de lui parler au téléphone pour le convaincre de rester à Paris. Ce sont la ministre des Sports et la maire de Paris, pour une fois d’accord, qui lui apportent publiquement leur soutien face au PSG.
Kylian Mbappé se construit patiemment une aura quasiment équivalente à celle d’un chef d’état, voire supérieure car plus consensuelle. Cela va des contrats de sponsoring de prestige (Hublot, Dior, etc.) à une visite digne d’un véritable chef d’état au Cameroun (pays d’origine de son père) en juillet dernier, en passant par des discours engagés voire gaulliens, comme lors de la prolongation de son contrat en 2022 (« j’ai dit oui à la France et à un nouveau projet du PSG. J’ai eu l’appel de la patrie et de la capitale »). En communication aussi, le football est bien plus qu’un sport.