De quoi le naming du Decathlon Arena Stade Pierre Mauroy est-il est le nom ?
Cette fois, c’est officiel. Vendredi 24 juin, les élus de la Métropole européenne de Lille (MEL) ont voté l’attribution du « naming » du stade Pierre-Mauroy. La marque Décathlon sera adossée au stade Pierre-Mauroy pour les 5 prochaines années, contre un montant de 1,2 million d’euros par an. Cette pratique du « naming » s’est très largement accélérée au cours des dernières années, avec de multiples exemples en France et dans le monde : Accor Arena à Paris, Allianz Arena à Munich (et sa petite sœur, l’Allianz Riviera, à Nice), Groupama Stadium à Lyon, Orange Vélodrome à Lyon, et même Spotify Camp Nou à Barcelone, alors même que le FC Barcelone a longtemps été un des derniers clubs à refuser le sponsoring de son maillot.
Le « naming » permet de compléter utilement le budget de ces infrastructures, à l’équilibre financier souvent précaire. Mais il contribue aussi à faire du sport un espace entièrement commercial : désormais, les stades, les compétitions (« Ligue 1 Uber Eats ») et même les clubs (« Red Bull Leipzig ») peuvent porter le nom d’entreprises. Jusqu’où et avec quelles entreprises ? Le mythique Staples Center, stade de l’équipe NBA des Los Angeles Lakers, vient ainsi d’être renommé en « Crypto.com Arena », d’après le nom d’un site de vente de cryptomonnaies. Un « deal » de 700 millions de dollars sur vingt ans, soit six fois plus que l’accord signé en 1999 avec Staples, une enseigne de fourniture de bureau. Une inflation qui traduit l’envol récent du cours des cryptomonnaies, avant la baisse brutale enregistrée au cours des dernières semaines.
Pour les entreprises, l’intérêt est clair : s’associer à des événements très largement médiatisés et vecteurs d’émotions positives. Dans le cas de Décathlon, le « naming » s’inscrit dans une inflexion de la stratégie de la marque : alors que Décathlon s’adressait auparavant en priorité aux sportifs amateurs, cette stratégie évolue progressivement à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, avec davantage d’incursions dans le sport professionnel. Après l’annonce du sponsoring de plusieurs athlètes olympiques, dont Teddy Riner, le contrat de « naming » participe de cette évolution. Un partenariat entre l’enceinte, qui accueillera plusieurs épreuves des JO, et Décathlon, largement associé au territoire du Nord (comme toutes les entreprises de la galaxie Mulliez), est porteur de sens.
Pour la collectivité, l’intérêt est moins évident. Même s’il s’agit de l’entreprise préférée des Français, le contrat de « naming » prévoit seulement une indemnité de 1,2 million d’euros par an, soit à peine 0,06 % du budget de la Métropole, qui s’élève à près de 2 milliards d’euros. Alors que celle-ci demandait initialement (lors de la phase de construction en 2008) plus de 3 millions d’euros par an, puis au minimum 2 millions d’euros lors de la relance des recherches de partenaires en 2019, elle a finalement accepté un montant presque 3 fois plus faible. Même s’il est prévu que le nom de Pierre Mauroy subsiste dans la dénomination officielle, celui qui a été Premier ministre et maire de Lille pendant 28 ans, devra désormais cohabiter avec un nom de marque.
La Métropole a en réalité sans doute voulu limiter les pertes financières du stade, qui avait été conçu pour accueillir de grands événements sportifs et culturels et qui a, à ces débuts, eu du mal à recevoir de telles manifestations. Pourtant, le « naming » à lui seul ne peut garantir le bon fonctionnement d’une telle enceinte. Le premier contrat de ce type en France avait été conclu entre la compagnie d’assurance sarthoise MMA et le stade du Mans, pour un million d’euros par an pendant dix ans. En dépit de ce contrat, la MMArena n’est pas parvenue à accueillir les grands événements culturels qu’elle espérait et a même dû faire face, dès son inauguration, à la liquidation judiciaire du club de football du Mans, dont la participation à a Ligue 1 était une des clés du financement du stade et la raison majeure du sponsoring.
Même s’ils n’imaginaient sans doute pas un tel scénario catastrophe pour leur club, les supporters du PSG et de Manchester United se sont opposés à différents projets de « naming » pour leur stade. Avec, en dehors des considérations financières, un attachement particulièrement fort à la mémoire de leur club et à l’histoire de leur ville. A Bordeaux, les supporters du club de rugby local, l’Union Bordeaux Bègles (UBB), ont eux aussi marqué très fortement leur désapprobation quant au projet visant à rebaptiser le stade Chaban-Delmas, un autre ancien Premier ministre qui, comme Pierre Mauroy, a été maire de sa ville pendant plusieurs décennies. Pour l’instant, le projet est enterré. Mais pour combien de temps encore ? Tant est forte l’attractivité des lieux d’événements et de convivialité et tant les contraintes financières s’imposent à leurs gestionnaires.