De l’IA à l’Ukraine, la fin du purgatoire d’Emmanuel Macron ?
Depuis le résultat décevant des élections législatives de 2022, Emmanuel Macron est à la recherche d’un rebond de son second quinquennat et, comme cela arrive fréquemment en situation de crise, chacune de ses initiatives, loin de le relancer, a finalement tiré sa popularité un peu plus vers le bas et affecté toujours plus sa crédibilité. Le remplacement d’Elisabeth Born en janvier 2024 puis la dissolution après l’échec des européennes ont été des étapes marquantes de cette “descente aux enfers” qui n’est pas seulement médiatique, cependant que la France ajoutait à la crise économique et sociale une instabilité politique sans précédent sous la 5ème République. Dans ce contexte plus que morose, février 2025 marque peut-être le début d’une remontée, le Président s’éloignant de la politique interne pour retrouver une stature sur le plan international.
En réunissant des représentants de plus de 100 pays, dont des chefs d’État et de gouvernement, des experts et des acteurs du secteur privé les 10 et 11 février dernier, Emmanuel Macron est pleinement dans son rôle : celui d’un chef d’Etat qui se saisit des grands enjeux du monde et prend de la hauteur pour donner de la perspective aux Français et faire entendre leur voix dans le concert des nations. La collaboration avec l’Inde, un acteur majeur et non-aligné, pour faire de l’intelligence artificielle une technologie éthique et collaborative, a indéniablement marqué les esprits. Renouant avec son ADN, Emmanuel Macron est aussi redevenu le porte-parole de la « start up nation » en annonçant des investissements de 109 milliards d’euros en France d’acteurs mondiaux de l’IA. Revêtant les codes de la communication 2.0, et comme souvent disruptif, il n’avait pas hésité à reprendre de manière provoquante, dans une intervention publiée dès le 10 février sur son compte Instagram officiel, des vidéos le mettant en scène, générées par IA.
Mais c’est en réagissant sans attendre aux premières initiatives du Président Trump à l’égard de la guerre en Ukraine, qu’Emmanuel Macron a, au moins provisoirement, mis un terme à son effacement. Par l’organisation d’un sommet le 17 février réunissant les chefs de gouvernement de 7 pays européens, le président du conseil européen et la présidente de la commission ainsi que le secrétaire général de l’OTAN puis d’une seconde réunion élargie à 11 autres pays deux jours plus tard, il a repris le rôle moteur dans la politique européenne qui avait été le sien, avec des fortunes diverses, entre 2017 et 2022.
Ces initiatives lui ont en effet permis, en tant que premier dirigeant européen reçu à Washington par le Président Trump, de parler au nom de l’Europe et d’œuvrer à la fois pour que les Etats-Unis contribuent aux garanties de sécurité à apporter à l’Ukraine dans le cadre d’un potentiel accord de paix et pour que l’engagement sur le terrain de plusieurs de ses membres marque une première étape dans la définition d’une véritable politique de défense de l’Europe. Au moment même où l’Allemagne choisit un nouveau chancelier qui se donne pour priorité “une véritable indépendance vis-à-vis des Etats-Unis ».
Pour autant, et même si elle est indéniable, cette embellie demeure fragile. Sur le plan interne, la dissolution a créé une situation politique qui ne permettra pas au Président de retrouver son rôle prééminent et on voit mal en quoi une nouvelle dissolution ou un référendum, aux résultats au mieux ambigus et plus vraisemblablement très aléatoires, pourrait changer la donne. Mais surtout, à court terme, elle dépend de l’évolution des discussions entre Wladimir Poutine et Donald Trump sur l’Ukraine et une telle dépendance n’est à l’évidence pas une garantie de résilience.
Eric Giuily, Président de CLAI
Marguerite Pasquier‐Hedde, Directrice conseil chez CLAI
Alexane Lirzin, Consultante confirmée chez CLAI