La couverture médiatique des Jeux paralympiques
Les Jeux paralympiques peinent toujours à faire jeu égal avec les Jeux olympiques en matière d’intérêt médiatique. Si, depuis une vingtaine d’années, ils suscitent un intérêt de plus en plus important de la part du public et d’une partie des médias, leur couverture reste très limitée et ne permet pas à l’handisport d’émerger.
L’édition 2021 de Tokyo a confirmé une tendance constatée lors des précédentes éditions : les Jeux paralympiques sont de plus en plus accessibles aux spectateurs français. En effet, France Télévisions a programmé plus d’une centaine d’heures de direct, ce qui constitue un record pour cet événement. Conséquence logique, ce sont près de 24 millions de Français qui ont suivi ces Jeux, un record également. Et France Télévisions n’a pas manqué de s’en féliciter : nous avons « proposé une couverture médiatique sans précédent pour ces Jeux paralympiques de Tokyo. »
Pourtant, si France Télévisions a bien consacré 100 heures aux Jeux Paralympiques, les Jeux Olympiques ont pour leur part bénéficié de plus de 3 600 heures de direct. Ce n’est pas un fossé qui sépare la médiatisation des deux compétitions, c’est plus qu’un gouffre. La comparaison est tout aussi évidente pour les Unes de L’Equipe : les Jeux paralympiques n’y ont été mis à l’honneur qu’une fois, pour le lancement de la compétition, alors que les Jeux olympiques ont fait la Une sans discontinuer pendant trois semaines. Le constat est là et il ne peut pas s’expliquer seulement par le fait que les Jeux paralympiques ont lieu à la rentrée, période bien plus chargée que l’été en actualités, sportives comme générales. Comment alors expliquer cette différence ?
Un désintérêt de la part des médias ou des spectateurs ?
Premier facteur, et pas des moindres : l’absence lors des Jeux paralympiques du lien émotionnel fort que crée la participation de sportifs « stars » auxquels les spectateurs s’identifient et dont les succès ou les échecs les tiennent en haleine. Combien de Français ont découvert le canoé-kayak, grâce à Tony Estanguet et à ses performances aux Jeux ? D’abord en 2000, puis en 2004, avant la désillusion de 2008 puis la revanche et le record de 2012. Des disciplines largement ignorées en temps ordinaires par les médias, comme l’escrime ou le judo, suscitent la passion et des audiences record parce que les champions nationaux y brillent face à des sportifs ou des équipes mondialement connus ! Les audiences des finales de handball et de volley cet été en ont également témoigné.
Cet intérêt limité des spectateurs expose les médias qui voudraient couvrir plus largement les Jeux paralympiques à un risque économique évident : baisse de l’audience ou des ventes et donc des recettes notamment publicitaires pour des coûts nécessairement élevés. On est donc dans une situation apparemment sans issue : tant qu’on ne parle pas davantage des Jeux paralympiques et de leurs champions, le lien émotionnel des spectateurs avec l’handisport ne pourra se créer ni par conséquent leur intérêt pour la compétition, lui-même indispensable pour que les médias en parlent davantage.
De nouvelles formes d’intérêt mais qui oublient l’essentiel, le sport
Si l’handisport ne suscite pas l’attention directe qu’il mériterait de la part des spectateurs et des médias, il connaît en revanche de nouvelles formes d’intérêt plus indirectes. Les marques, qui se sont emparées du sujet depuis déjà quelques années, ont recours à de grandes campagnes publicitaires surfant sur les parcours inspirants de personnes en situation de handicap pour illustrer les valeurs d’une marque (comme Toyota à l’occasion du Super Bowl) ou sa raison d’être (AirBnb), quand d’autres promeuvent directement l’inclusion en mettant en avant leur engagement (tel Lego).
C’est également le cas des personnalités politiques : Anne Hidalgo déclarait lors d’une interview en marge de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques que ceux de 2024 seraient l’occasion « d’être plus inclusif et de faire des transformations », rappelant les initiatives déjà lancées pour améliorer l’accessibilité dans la ville de Paris. Et ce sont aussi maintenant les gouvernements, à l’image de la Chine, qui utilisent leurs succès lors des Jeux paralympiques pour montrer les bienfaits de leur politique d’inclusion.
De son côté, le Comité Olympique International a lancé récemment la campagne “WeThe15” (Nous les 15), en référence aux 15 % de personnes qui vivent avec un handicap sur la planète. Prévu sur 10 ans, ce vaste projet vise à devenir le plus grand mouvement de défense des droits de l’Homme jamais créé. Pour son lancement, 115 monuments emblématiques, dans 30 pays, se sont parés de violet, couleur du handicap. Objectif : « transformer la vie des personnes en situation de handicap ».
En d’autres termes, l’handisport devient progressivement un outil de communication ou de soft power en dehors du domaine de la compétition sportive.
Si ces initiatives sont louables et nécessaires, elles oublient pourtant l’essentiel. C’est par la promotion de l’handisport pour ce qu’il est, du sport, et les Jeux paralympiques pour ce qu’ils sont, une compétition, que progressera l’intérêt des spectateurs. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est le sport qui est vecteur d’émotion et de lien, pas la communication qu’on fait autour de lui.