Communication : faut-il en finir avec X, Facebook et Instagram ?
Les controverses générées par les discours d’Elon Musk et Mark Zuckerberg, les patrons de X et Meta, ont relancé le débat sur la nécessité d’être ou ne pas être sur ces plateformes. Mais, peut-on être absent ou ne pas prendre la parole là où sont ses clients ?
L’annonce par un Mark Zuckerberg à l’apparence physique transformée, à la veille du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, de la fin, au nom de la « liberté d’expression », du fact-checking et de la modération sur ses plateformes Facebook et Instagram a enflammé un débat ouvert depuis la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk et relancé par ses prises de position aux côtés du nouveau Président. Faut-il rester sur des plateformes dont le modèle économique repose largement sur l’exacerbation des tensions ou des conflits et l’expression de la haine, même si tel n’était pas leur projet initial et si ce sont les internautes qui ont largement détourné celui-ci ? Et alors qu’ils sont de plus en plus utilisés pour des manipulations politiques. Un retrait cependant particulièrement difficile pour les entreprises commerciales.
Au cours des dernières semaines, en France, un certain nombre de collectivités publiques ont annoncé renoncer à être présentes sur X. C’est le cas par exemple des régions Bretagne, Nouvelle Aquitaine et Grand Est ou des villes de Paris, Nice, Strasbourg pour n’en citer que quelques-unes. Ou bien encore de personnalités politiques comme Sandrine Rousseau, Raphaël Glucksmann ou Roland Lescure. Pour leur part, des médias ont également franchi le pas, tels Le Monde ou Ouest-France. Mais le mouvement s’est surtout développé dans le monde associatif, 80 associations ayant publié une tribune en ce sens, dans les universités et les écoles ou les syndicats, la CFDT ayant quitté X en décembre dernier. Une application, Helloquittex.com fournit même le mode d’activation de ce départ. Une question que le gouvernement ne juge pourtant pas d’actualité et qui recouvre assez largement, mais pas totalement, le clivage droite/gauche en France.
Avec d’un côté, le refus de la propagation de l’intolérance, de la violence, du complotisme, du racisme et du sexisme comme du déni climatique et de l’autre le souci de l’efficacité. « Le combat politique doit se mener sur tous les fronts médiatiques », affirme Franck Louvrier, ancien conseiller communication de Nicolas Sarkozy et maire de La Baule. La conversion de Mark Zuckerberg est trop récente pour que le mouvement de désinscription ait touché ses plateformes mais la question se posera nécessairement. Ce n’est qu’une question de temps.
Des entreprises discrètes sur leurs intentions
Les entreprises se montrent plus discrètes sur leurs intentions et réactions. La fuite des annonceurs enregistrée par X après sa reprise par Elon Musk est un indice fort même si elle s’est accomplie sans bruit ni annonce proactive. Et si cesser ou réduire des campagnes publicitaires n’est pas de même nature que quitter un réseau. Mais X c’est 619 millions d’internautes plutôt homogènes, Facebook, c’est 3 milliards d’utilisateurs et Instagram 2 milliards, qui représentent une très grande partie de la diversité mondiale. Même si ces chiffres sont trompeurs puisque ces réseaux reposent sur le principe de la fragmentation des audiences en communautés, ils ne peuvent pas manquer de faire réfléchir. Peut-on être absent ou ne pas prendre la parole là où sont ses clients ?
Mais, ce statu quo n’est pas forcément durable. 66 % des Français expriment désormais une méfiance accrue envers les contenus diffusés sur Instagram et Facebook- 71 % d’entre eux envisagent même de boycotter les plateformes de Meta. Et selon certains experts la désinformation sera bientôt identifiée par le grand public comme un risque aussi important que le réchauffement climatique. Il faut donc, pour les marques, sur les réseaux sociaux se protéger, en axant leurs efforts sur la transparence de leurs contenus et le maintien du lien de confiance avec leurs communautés. Elles peuvent aussi diversifier les réseaux sociaux sur lesquels elles sont présentes, en y ajoutant ceux qui revendiquent l’exercice de la modération et de la vérification des faits comme Bluesky ou Mastodon.
Les internautes ne manqueront pas de trancher et de donner ainsi tout son sens à la liberté d’expression dont se revendiquent Elon Musk et Mark Zuckerberg.
Éric Giuily, président
Valentine Busnel, directrice de clientèle
Beryl Chalet, consultante junior