Comment la communication a transformé le 19 mai en fête nationale
La date du 19 mai était devenue un totem. Célébrée de manière anticipée sur le compte Instagram personnel du Président de la République qui lui a consacré pas moins de 5 publications, elle a émergé comme l’étape clé du calendrier de ce troisième déconfinement. Éclipsant le 3 mai, date de suppression des restrictions de déplacement, le 19 mai allait marquer la fin d’une longue période de disette intellectuelle et sociale avec la réouverture des musées, cinémas et théâtres, et celle tant attendue des terrasses. Avec le retour des beaux jours, cette date devait donc signer un printemps de loisirs et de vivre-ensemble.
Douce hystérie collective
Marques, médias, politiques : l’ensemble de notre écosystème d’information-communication s’est mobilisé pour donner au 19 mai toute sa puissance symbolique. Les campagnes se sont multipliées pour rappeler le plaisir que nous allions avoir de pouvoir enfin relire L’Équipe ou boire un Perrier en terrasse.
Dans les rédactions des médias, c’est tout juste si on n’a pas fait un décompte des jours, avant de précipiter les journalistes interroger les clients les plus matinaux des cafés ou premiers visiteurs des musées. Au sein du Gouvernement, une instruction avait manifestement circulé parmi les ministres, leur enjoignant de se mettre en scène le jour J, attablés en terrasse dans une sorte d’élan républicain, mais toujours respectueux des gestes barrières. Sur les réseaux sociaux justement, impossible de rater les publications de ces très nombreux anonymes, qui s’étaient eux aussi donné comme mot d’ordre de se rendre en terrasse, au cinéma ou au musée, et surtout de partager cet événement. Si bien qu’il fallait être soi-même bien audacieux ou « chagrin » pour ne pas répondre à son tour à cette injonction sociale et ne pas profiter du bonheur retrouvé.
Dans un contexte qui reste difficile
Or, cet esprit de fête masque une réalité contrastée. Tout d’abord, le virus continue de circuler. Certes, l’épidémie semble marquer le pas, à la faveur d’une campagne de vaccination qui s’accélère. Si tous les indicateurs sont en baisse, notamment le nombre de malades en réanimation, celui des décès reste élevé : près de 150 par jour. C’est moitié moins qu’il y a trois semaines mais c’est encore considérable. Et au vu de la difficulté à concilier liberté retrouvée et gestes barrières, la crainte d’une nouvelle flambée de l’épidémie après les vacances ou pendant l’automne n’est pas sans fondement, malgré l’optimisme prudent du Gouvernement et de l’Institut Pasteur.
La communication gouvernementale est donc aujourd’hui confrontée à un triple défi : convaincre les Français de ne pas baisser la garde et de respecter les gestes barrières « quoiqu’il leur en coûte », convaincre suffisamment de récalcitrants à la vaccination pour que l’immunité collective puisse être atteinte (seuil estimé aujourd’hui à 80%), quels que soient les vaccins disponibles, et convaincre l’opinion publique que le pass sanitaire généralisé est aussi inévitable qu’indispensable. Tout en accélérant toujours plus la campagne de vaccination, bien sûr !
Vaste tâche en cette période de campagne électorale, qui risque de faire perdre de vue les vraies priorités.