Affaire Quatennens : la stratégie de communication perdante de la France Insoumise
La désignation d’une nouvelle direction de la France Insoumise (LFI) ce week-end permettra-telle au parti fondé par Jean-Luc Mélenchon de clore les turbulences internes et médiatiques nées de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Quatennens. Rien n’est moins certain puisque le dossier est appelé à feuilletonner au gré de la procédure judiciaire en cours, avec son cortège de rebondissements et de nouvelles révélations, et tant les premiers épisodes ont montré les divisons qu’elle provoque en son sein.
Une stratégie de communication fondée sur la reconnaissance des faits…immédiatement balayée par le leader de la France Insoumise.
Face à la pression créée par la révélation dans le Canard Enchainé le 13 septembre 2022 du dépôt par sa femme d’une main courante à son encontre, Adrien Quatennens a d’abord choisi d’adopter une stratégie fondée sur la reconnaissance d’un geste violent et de sa gravité. Il en a tiré les conséquences politiques en annonçant de lui-même se mettre en retrait de ses fonctions au sein du parti et à l’Assemblée nationale.
Mais cette stratégie a quasi immédiatement volé en éclats lorsque, près d’une heure plus tard, Jean-Luc Mélenchon, a pourfendu dans un tweet « la malveillance policière, le voyeurisme médiatique, les réseaux sociaux », optant ainsi pour une tactique de communication de crise bien connue des responsables politiques, qui consiste à dénoncer un complot du camp d’en face et à victimiser l’accusé.
Or, en choisissant cette stratégie de communication, le leader de la France Insoumise a commis une triple erreur.
Sur la forme d’abord, puisque cette prise de position clivante avait peu de chances d’être partagée par l’intégralité des responsables de La France Insoumise, d’autant qu’elle n’a visiblement fait l’objet d’aucune concertation en interne. Sur le fond ensuite puisque, d’une part, ce tweet donnait le sentiment que ce qui importait le plus au leader de la France Insoumise c’était la publicité des faits plutôt que leur existence et que, d’autre part, il était en totale contradiction avec la ligne déclarée des Insoumis vis-à-vis des auteurs de violences conjugales. Or, le tribunal médiatique pardonne rarement un tel décalage entre le discours et les actes. Tactiquement, enfin, ce tweet a eu pour conséquence d’ajouter une crise dans la crise alors que la communication dans ce type de situation vise justement à éteindre l’incendie le plus rapidement possible et à limiter le feuilletonnage.
Un défaut de stratégie commune et de réponse claire qui a coûté cher aux Insoumis
Ce revirement masque en réalité le défaut de position commune des responsables de la France Insoumise face à cette affaire, dont le point d’orgue fut l’organisation par le groupe parlementaire de la France Insoumise, d’une conférence de presse quelques jours après le communiqué d’Adrien Quatennens, au cours de laquelle les journalistes s’attendaient à prendre connaissance de la position des députés Insoumis. Il n’en a rien été puisque, faute d’un accord sur le fond et, de toute évidence, d’éléments de langages préparés, les responsables du groupe se sont renvoyé maladroitement les questions des journalistes, devant l’œil acéré des caméras de Quotidien. Une impréparation fatale en communication, surtout de crise !
Ce défaut de ligne claire s’est ensuite traduit dans des prises de parole contradictoires, au cours desquelles les responsables de la France Insoumise ont tenté diverses stratégies de communication de crise sans se coordonner…ce qui a eu pour effet d’alimenter encore la crise. Tandis que les députés Manuel Bompard et Clémence Guetté optaient pour une stratégie, particulièrement inadaptée à l’ère #MeToo, de minimisation des faits ( « une gifle n’est pas égale à un homme qui bat sa femme tous les jours », « tous les types de violence ne sont pas équivalents »), d’autres députés Insoumis tels que François Rufin affirmaient publiquement qu’ils attendaient que Jean-Luc Mélenchon défende la lutte contre les violences sexistes et sexuelles « mêmes quand ce sont le siens qui sont mis en cause ».
Comment LFI peut-elle se sortir de l’ornière ?
Plus de trois mois après l’éclatement de cette affaire et alors que les dernières déclarations de Céline Quatennens accusant son époux de violences répétées depuis plusieurs années ont rallumé les braises médiatiques, les Insoumis n’ont toujours pas décidé du devenir d’Adrien Quatennens au sein de leur famille politique.
Que peuvent-ils faire pour se sortir de l’ornière et tenter de restaurer leur crédibilité en matière de lutte contre les violences faites aux femmes ?
D’abord, prendre une décision claire et commune sur le statut et l’avenir d’Adrien Quatennens au sein du parti, afin d’éviter d’alimenter indéfiniment les commentaires des responsables politiques de tous bords et, donc, la machine médiatique.
Ensuite, faire la pédagogie de la décision qui aura été adoptée en obtenant de ses porte-parole qu’ils parlent d’une seule voix dans les médias et de ne chercher ni à minimiser les faits, ni à tenter d’imputer la médiatisation de cette affaire à des opposants ou au « voyeurisme » des médias.
Prise en défaut à trois reprises en 2022 sur la question des violences faites aux femmes, avec les affaires Taha Bouafs, Eric Coquerel et Adrien Quatennens, LFI devra, enfin, clarifier ses procédures de traitement de telles affaires et s’engager à mettre en œuvre à l’avenir des décisions exemplaires face à ce type de situation pour montrer qu’elle a tiré toutes les leçons de ces crises répétées.