Il y a urgence à transformer la solidarité d’urgence en solidarité structurante
Covid-19, confinement et solidarité. Voilà le nuage de mots qui stagne au-dessus de nos têtes depuis le 18 mars ! Le 3ème de ces mots est de loin le plus tendre à entendre et le plus porteur d’espérance. Et pourtant, réussirons-nous collectivement à transformer la solidarité que nous constatons chaque jour en une solidarité structurante pour des lendemains viables ?
Certes la solidarité n’est pas parfaite en ces jours sombres. Mais elle est cependant là, bien présente. Des dons financiers à la génération spontanée de fabricants de masques, des entraides inédites entre professionnels de santé aux applaudissements de 20h qui saluent leur engagement, des services rendus entre voisins aux décisions courageuses d’entreprises connues ou non, des coopérations entre territoires à celles des pays, de la généreuse créativité d’artistes transformés en faiseurs de rêve ou en pédagogues aux initiatives des associations sur le terrain, … La liste est longue, créative, multiforme et multi-acteurs.
Cette convergence des solidarités prend sa source dans quatre phénomènes, qu’il s’agira de ne pas oublier, voire de réactiver, le temps venu pour tenir durablement.
L’immédiateté de la sanction. La crise que nous traversons est une crise du jour présent. La maladie, la mort, la peur sont immédiates pour soi et les siens. Il n’est pas question ici de futur plus ou moins lointain, mais de conséquences immédiates. « La solidarité naît de la douleur et non de la joie. On se sent plus proche de quelqu’un qui a subi avec vous une épreuve pénible que de quelqu’un qui a partagé avec vous un moment heureux » disait Bernard Weber. Cette phrase revêt une singulière acuité aujourd’hui.
L’universalité du mal. La crise que nous traversons n’a pas de frontières, elle ne choisit pas ses classes sociales, elles n’épargnent ni pauvres ni puissants, elles touchent tous les âges, même si ses conséquences sont plus dévastatrices chez les personnes les plus vulnérables. Devant l’universalité du mal, l’universalité des solutions s’impose assez naturellement. Or la solidarité est universelle. « La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle » disait Victor Hugo.
L’intérêt commun bien compris. L’image du battement d’aile du papillon qui, émis à un point de la planète a des répercussions partout, est malheureusement la réalité actuelle. Nombreux sont ceux qui regardent ailleurs, lorsque cette image est prise en « temps de paix » sur des sujets environnementaux par exemple… mais là, c’est impossible ! Allons-nous nous souvenir durablement de l’intime imbrication entre la planète et ses habitants quels qu’ils soient ?
L’émotion interpellée. Qu’il s’agisse de la peur, de la compassion, de l’espoir mais aussi du dépassement de soi vécu par les personnes en 1ère ligne ou des sentiments paradoxaux ressentis par les confinés, des émotions fortes voire nouvelles émergent. Saurons-nous nous en souvenir pour en faire des moteurs de solidarité durables ?
Alors comment construire l’après ? Chacun pousse la chanson du « ce ne sera plus comme avant », « tout est à réinventer »… Des mots aux actes… nous verrons !
Mais si l’on doit se saisir d’une chose collectivement – politiques, entreprises dont humblement les communicants, citoyens- c’est de créer les conditions d’une solidarité durable. Pas par naïveté, mais par nécessité.
En rappelant inlassablement que l’imbrication de tous sur la planète est un fait, au-delà des politiques nationales : « Désormais la solidarité la plus nécessaire est celle de l’ensemble des habitants de la Terre » disait Albert Jacquard
En faisant une pédagogie sans concession des conséquences immédiates des décisions et actions, au risque d’être taxés de dureté.
En réveillant une vérité si souvent oubliée : « la solidarité, j’y ai intérêt » ! Nous ne sommes pas seulement des acteurs de la solidarité, nous en sommes tous bénéficiaires.
En osant interpeller les émotions et pas seulement les raisons.
Plus facile à dire qu’à faire ! Pour y réussir, nous devons impérativement changer de paradigme en « pensant temps long », là où ne réfléchissons et n’agissons qu’en « temps court ». L’immédiateté nous fait réagir. Mais c’est la solidarité, la pensée et l’action temps long qui nous protégerons.
Elisabeth Coutureau
Co-Présidente CLAI