La politique gouvernementale de communication dans la gestion du Covid-19 (3)
Sans que cela soit une vraie surprise, la politique gouvernementale de communication à l’égard de la crise du coronavirus, est placée sous le signe du « en même temps », la marque constitutive du macronisme. Elle mêle en effet réelles réussites, insuffisamment relevées par la sphère médiatique, et erreurs graves, fortement, et même parfois violemment, dénoncées par l’opinion publique. Au point qu’aujourd’hui, plus de 60% des Français ne font pas confiance au Gouvernement sur ce sujet et qu’ils sont encore plus nombreux à penser qu’il leur a menti. Encore faut-il, avant de relever et analyser les unes et les autres, souligner que, face à une crise aussi imprévue, la tâche de l’exécutif était tout sauf facile, comme en témoignent les difficultés rencontrées par presque tous les gouvernements occidentaux.
Au rang des succès, on peut citer sans hésitation la manière dont le Gouvernement a géré progressivement l’entrée dans le confinement, à travers le passage du stade 1 aux stades 2 et 3, en s’appuyant sur l’avis des scientifiques, rapidement réunis en un Conseil permanent. Les prises de parole solennelles d’Emmanuel Macron ont largement contribué à la prise de conscience de l’opinion publique et au succès du confinement. Elles ont bénéficié d’audience record en augmentation constante. De même, doit être salué le souci de transparence que traduit la décision de demander au directeur général de la santé de tenir un point d’information quotidien pour donner le dernier état de l’épidémie. Dans un objectif de pédagogie et de préparation de l’opinion publique aux étapes successives de la gestion de crise, les conférences de presse du dimanche du Premier ministre, d’une durée volontairement longue, ont été de véritables réussites.
Au rang des échecs, on ne relèvera pas les cafouillages ministériels, sans doute inévitables face à une telle crise, dont le plus spectaculaire a été l’affirmation par la ministre de l’éducation nationale qu’il n’était pas question de fermer les établissements scolaires, le 12 mars, quelques heures seulement avant que le Président annonce le confinement général. On s’arrêtera en revanche sur les sujets très controversés des masques et des tests.
Plutôt que de reconnaître l’insuffisance des stocks, largement imputables aux gouvernements précédents, et de justifier ainsi l’absolue nécessité dans un premier temps de les réserver aux soignants et aux malades les plus atteints, l’exécutif a suivi toutes les phases de la mauvaise communication de crise : nier la pénurie, puis l’utilité des masques comme des tests, avant d’annoncer des commandes gigantesques. En une seule semaine, celles-ci sont passées à grand renfort de déclarations ministérielles de 400 millions à un milliard. Et alors que se prépare le déconfinement, il n’est question que de rendre obligatoire le port du masque, comme dans plusieurs pays d’Asie, et de développer largement les tests à l’image, pour ceux-ci, de ce qui a été fait dès le début de l’épidémie en Allemagne. Il est clair que l’opinion publique n’a d’emblée pas « acheté » la communication gouvernementale sur ces sujets sur la base d’un constat de bon sens : pourquoi ce qui avait des résultats positifs ailleurs serait inutile en France ? Et les revirements actuels de stratégie ne renforcent pas la crédibilité de l’exécutif, déjà fortement entamée.
Avec le déconfinement, la communication sur la crise entre dans une troisième phase. Le Président de la République et le gouvernement ont décidé d’accélérer cette sortie, notamment au niveau de l’éducation nationale, en s’écartant ostensiblement du consensus scientifique, au nom du primat du politique et pour répondre à l’attente d’une grande partie de l’opinion publique. C’est donc un changement complet de stratégie. Un changement à hauts risques en cas de reprise de l’épidémie.
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